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La mort apprivoisée


Cette période couvre de nombreux siècles, de l’ordre du millénaire, jusqu’au début du moyen âge.

A cette époque, on ne meurt pas sans avoir eu le temps de savoir qu’on allait mourir.

Le mourant perçoit des signes naturels ou bien a des convictions intimes, plus qu’une prémonition surnaturelle ou magique. Il prend alors ses dispositions. La mort est chose toute simple, elle doit se passer au lit : « gisant au lit malade ».

L’évêque Guillaume Durand de Mandé disait : le mourant doit être couché sur le dos afin que sa face regarde toujours vers le ciel.

Une fois allongé sur le dos, les derniers actes du cérémonial traditionnel peuvent avoir lieu.

Le premier est le regret de la vie, de brève durée et sans excès.

Vient ensuite le temps du pardon et le mourant recommande à Dieu les survivants.

Il est ensuite temps d’oublier le monde et de penser à Dieu. C’est le temps des prières.  Une fois les prières terminées, il ne reste plus qu’à attendre que la mort se manifeste. Si elle tarde, le mourant l’attend en silence.

La mort est une cérémonie publique et le plus souvent présidée par le mourant lui même qui en connaît le protocole. La chambre du mourant devient alors un lieu public. On y entre librement et on y amène les enfants.

Les rites de la mort sont acceptés. Ils sont accomplis d’une manière cérémonielle, mais sans caractère dramatique.

Cette familiarité avec la mort se traduit également par une coexistence entre les vivants et les morts.

C’est un phénomène nouveau, inconnu de l’antiquité chrétienne et païenne. Dans l’antiquité, le monde des morts devait être séparé de celui des vivants et les cimetières étaient situés hors des villes.

Au moyen âge, les morts entrent dans les villes, d’où ils ont été éloignés durant des millénaires.

C’est au VIème siècle que l’église et le cimetière ne font plus qu’un.

Dans la langue médiévale, le mot église désigne non seulement les bâtiments de l’église, mais également l’espace tout entier qui l’entoure.

On enterre à la fois dans l’église, contre ses murs et aux alentours. Le mot cimetière désigne alors plus particulièrement la partie extérieure de l’église, l’atrium ou aître.

On peut ainsi imaginer le cimetière du moyen âge avec sa cour rectangulaire dont le mur de l’église occupe généralement l’un des 4 côtés. Les trois autres sont souvent garnis de charniers où les ossuaires, crânes et membres, sont disposés avec art. Ces os proviennent de fosses communes réutilisées.

Même les dépouilles des défunts les plus riches, enterrés à l’intérieur de l’église, viennent décorer ces charniers.

La notion de sépulture, telle que nous l’avons actuellement, n’existe pas. Peu importe la destination exacte des os pourvu qu’ils restent près des saints dans l’enceinte sacrée.

Le fait que les morts entrent dans l’église et sa cour ne les empêche pas de devenir des lieux publics.

C’est la notion d’asile et de refuge qui est à l’origine de cette destination non funéraire du cimetière. Cet asile devint un lieu de rencontre et de réunion pour y faire commerce, pour y danser, jouer ou tout simplement avoir le plaisir de se retrouver.

Ce n’est qu’à la fin du XVIIème siècle que l’on commence à percevoir des signes d’intolérance de ce qui a été admis pendant plus d’un millénaire : la promiscuité entre les vivants et les morts.

Jusque là, le spectacle des morts dont les os affleuraient à la surface des cimetières n’impressionnait pas plus les vivants que l’idée de leur propre mort.