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Le rattachement de la thanatopraxie aux professions de sante : une évolution incontournable pour l’avenir de la profession

 

INTRODUCTION

En date du 8 février 2012, Monsieur le Président du Haut Conseil de Santé Publique avait été saisi par le Directeur Général de la Santé et le Directeur Général du Travail en vue d’analyser les conditions d’exercice et les risques liés aux pratiques et d’élaborer des recommandations d’encadrement réglementaire de la profession. Ces recommandations avaient été publiées en Décembre 2012.

En date du 20 février 2013, Le Ministre des affaires sociales et de la santé, le Ministre de l’intérieur ainsi que le Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ont missionné Monsieur le chef de l’Inspection générale des affaires sociales et Monsieur le chef de l’Inspection générale de l’administration afin de diligenter une mission commune dans le cadre de l’évolution de la réglementation applicable aux soins de conservation.

Cette mission avait pour objet de s’attacher tout particulièrement aux conditions techniques de réalisation des soins de conservations (lieux dédiés, domiciles), à la protection des thanatopracteurs en regard du risque encouru, aux couts induits par les différentes mesures devant être prises et au niveau requis d’information des familles.

Le rapport de cette mission a été rédigé en Juillet 2013.

La mission a émis 21 recommandations s’articulant essentiellement autour des points suivants :

-       La nécessité de parfaitement redéfinir ce qu’est la thanatopraxie en raison du flou sémantique qui l’entoure,

-       L’interdiction de réalisation des soins de conservation à domicile au profit de lieux dédiés,

-       La suppression du VIH et de l’hépatite de la liste de pathologies entrainant une interdiction de soins de conservation,

-       La protection et la formation initiale et continue des thanatopracteurs,

-       L’information des familles, des thanatopracteurs (évolution du certificat de décès) et des médecins.

Si l’essentiel de ces recommandations représente une évolution indéniablement favorable pour l’exercice de la profession en répondant aux questions posées par la lettre de mission, il semble indispensable d’envisager une restructuration beaucoup plus en profondeur de la thanatopraxie.

En effet, un certain nombre d’éléments constitutifs du rapport publié en Juillet 2013 mettent en évidence cette nécessité.

Ce rapport rappel très justement que l’évolution actuelle, et en particulier l’émergence de centres uniques de prestations représente un réel risque d’accélération du principe d’économie de captation.

Le thanatopracteur, à la fois expert indépendant et sous-traitant d’une activité organisée en dehors de lui a bien du mal à se situer dans cette chaine des opérations funéraires. Il doit pouvoir exercer son art en toute indépendance, sans aliénation et dans un cadre moral et éthique irréprochable.

Un des premiers constats de la mission a été l’existante d’un vocabulaire imprécis et d’une profusion de terminologies différentes amenant une confusion certaine rendant difficile l’identification précise de l’acte invasif de thanatopraxie au sein des différents processus de prise en charge du corps après le décès.

La mission s’est par ailleurs interrogée sur quelques chiffres relevés en se demandant pourquoi le pourcentage de soins augmente lorsque le pourcentage de transferts en chambre funéraire augmente, pourquoi 45% des décès « hors hôpitaux » représentent 75% des actes de thanatopraxie et pourquoi le taux de soins est de 15% dans les sociétés d’économie mixte, de 50% pour le leader français et voire de 80% dans certaines entreprises ….

Si ces interrogations ne permettent pas à la mission de conclure ou non à l’existence de comportements limites, on peut se demander si, dans la dérive actuellement constatée, le thanatopracteur ne devient pas, non pas un prestataire dont on attend de lui qu’il exerce son art dans toute sa noblesse et dans le respect de la mort et des défunts, mais un « alibi » à des surfacturations inacceptables eu égard à l’objet même de l’exercice de la profession.

Si le rapport reconnaît comme véritable maitre d’œuvre de la chaine funéraire l’opérateur de pompes funèbres dans la mesure où il rassemble les professionnels du funéraire mais aussi les professionnels de santé (soignants, médecins légistes …), il soulève également la proximité entre thanatopraxie et profession de santé.

En effet, il est rappelé que la thanatopraxie a dû attendre la fin du XIXème siècle pour voir formaliser son volet « médical ». S’il est précisé que la thanatopraxie est étrangère aux missions et obligations des établissements de soins il est également rappelé dans ce rapport que :

-       le statut de la filière technique des agents hospitaliers évolue vers un statut dépendant de la filière soignante,

-       les déchets issus des activités de thanatopraxie sont assimilés aux activités de soins (contrairement aux autres modalités de prise en charge du corps des défunts),

-       les soignants revendiquent « à juste titre » que la chambre mortuaire soit l’ultime lieu de soin. Cette notion semble devoir être également appliquée aux chambres funéraires dans le cadre de l’harmonisation souhaitée,

-       il parait souhaitable de mettre en place une meilleure articulation entre le milieu hospitalier et les soins funéraires,

-       la commission des soins infirmiers semble devoir être associée à l’élaboration du règlement intérieur des chambres mortuaires,

-       il n‘y a pas de raison pour que le consentement aux soins de conservations ne suive pas les mêmes principes et les mêmes règles que les actes médicaux dans la mesure où ils portent atteinte à l’intégrité physique de la personne,

-       les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la vie humaine qui s’imposent aux médecins dans ses rapports avec ses patients ne cessent pas de s’appliquer avec la mort de celui-ci,

-       il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne.

 

 

Tous ces éléments vont dans le sens du rattachement de la thanatopraxie aux professions de santé et de la création d’un ordre professionnel soignant comme cela a été évoqué par plusieurs acteurs lors de la concertation menée à l’occasion de la rédaction du rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGA.

Tout comme les soignants souhaitent une meilleure implication dans la gestion de la mort, de très nombreux thanatopracteurs souhaitent une intégration de l’activité de thanatopraxie dans les activités de soins. L’acte de thanatopraxie est l’acte de soin ultime prodigué à la personne humaine.

La mission a reconnu dans cette proposition qu’elle présente le mérite de mieux reconnaître, réglementer, contrôler et professionnaliser une activité sur la base d’un code de déontologie et d’une régulation professionnelle. Elle a cependant été amenée à la rejeter en raison des conséquences induites.

Cette proposition ne représentait par ailleurs pas une réponse spécifique à l’une des questions posées par l’ordre de mission.

Les conséquences induites ayant amené à ne pas retenir cette proposition ne semblent cependant pas insurmontables et pourraient même représenter la réponse à un certain nombre de questions soulevées dans le rapport :

Elle inscrirait les soins de thanatopraxie dans une démarche médicale avec pour incidence une confusion entre soigner et prendre soin.

-       Il existe actuellement une confusion relevée par la mission entre prendre soin d’un défunt et réaliser un geste invasif dans le cadre d’un soin de conservation. L’inscription de la thanatopraxie dans une démarche médicale permettrait très certainement de faciliter l’information des familles. Il ne s’agirait plus d’un geste invasif portant atteinte à l‘intégrité corporelle du défunt réalisé par du personnel « funéraire » mais un acte « pseudo-chirurgical post-mortem » réalisé par du personnel de santé soumis à toutes les règles et obligations qui s’imposent.

Elle séparerait les soins de conservation des soins funéraires, au détriment d’une démarche globale.

-       Cette séparation permettrait en contre partie de répondre au point 17 du rapport : il convient donc de distinguer la thanatopraxie au sein des soins de présentation ou de préparation …

Elle dessaisirait le Ministre de l’intérieur, au profit de la santé, d’une activité qui est partie prenante des soins funéraires.

-       C’est un fait qui apporterait la réponse à de nombreuses difficultés soulevées par le rapport


 

Elle aboutirait, à terme, à une universitarisation des centres de formations, à l’exemple des instituts de formation paramédicaux. Il importe que cette profession reste en dehors du champ paramédical.

-       Cela permettrait justement de répondre aux points 107 et 108 du rapport qui considère comme non acceptable l’émergence de centres de formation liés à des entreprises de pompes funèbres et l’utilité de disposer de références universitaires sans tomber dans l’universitarisation.

-       Toute formation pour l’exercice d’une profession de santé ne passe pas nécessairement par une formation universitaire. Le thanatopracteur pourrait être reconnu comme auxiliaire médical au même titre par exemple que l’opticien lunettier ou le pédicure podologue …

Elle conduirait à terme à inclure ces soins dans une activité hospitalière avec toutes les incidences financières.

-       L’exemple sus-cité montre que toute activité d’auxilliaire médical n’est pas nécessairement prise en charge par les établissements hospitaliers.

L’analyse des conséquences retenues par la mission et ayant abouti au rejet de la proposition de création d’un ordre professionnel soignant montre qu’elles peuvent être prises en compte dans le cadre du rattachement de la thanatopraxie aux professions de santé.

PROPOSITION

Si l’évolution de la réglementation applicable aux soins de conservation doit prendre en compte les modalités de réalisation de ces soins (lieux dédiés), la sécurité et la formation des thanatopracteurs ainsi que le principe d’égalité devant les soins, elle doit également aller dans le sens d’un rattachement de la thanatopraxie aux professions de santé afin d’enrayer la dérive actuellement constatée et permettre aux thanatopracteurs d’exercer leur profession en toute indépendance dans le respect des bonnes pratiques et des règles éthiques.

Pour cela, divers domaines doivent être pris en considération :

-       L’hygiène et la sécurité

-       La formation

-       L’indépendance et l’inaliénation du thanatopracteur

-       L’encadrement, la défense et le contrôle de la profession

Les recommandations formulées par la mission dans le rapport publié en juillet 2013 représentent une première étape vers cette évolution.

Hygiène et sécurité

Obligation de réalisation des soins exclusivement dans des locaux spécifiques et adaptés

L’obligation de réalisation des soins exclusivement dans des locaux spécifiques et adaptés va dans le sens d’une amélioration des conditions de travail des thanatopracteurs et de la réduction des risques pour les familles.

L’utilisation de locaux spécifiques et adaptés, conformes aux normes en vigueur, fournit les conditions optimales d’un travail de qualité et doit permettre de diminuer de façon non négligeable le risque professionnel, tant au niveau du risque d’atteinte musculo-squelettique qu’au niveau des risques biologiques et chimiques.

L’obligation de la réalisation des soins exclusivement dans des locaux spécifiques et adaptés impose, comme cela est évoqué dans le rapport de Juillet 2013 :

-       que les locaux dits « spécifiques et adaptés » soient conformes aux normes en vigueur,

-       que l’accès à ces locaux soit facilité afin de permettre la réalisation des soins de conservation dans des délais compatibles avec un transport avant mise en bière vers le lieu de dépôt du défunt,

-       que cette disposition n’entraîne pas de majoration excessive du coût des funérailles pour les familles. Les propositions du chapitre relatif à l’indépendance et l’inaliénation des thanatopracteurs permettent de répondre à cet impératif au travers de la suppression de la « sous-traitance » des soins de conservation qui pourrait, dans certain cas, en diviser le coût pour les familles par 2 voire 3.

Soins sur les corps de personnes décédées présentant une sérologie positive pour certaines affections transmissibles (en l’occurrence VIH et hépatite)

L’évolution de la permanence des soins et la diversité des circonstances de constatation des décès empêchent de considérer comme fiables les informations du certificat de décès en matière de statut sérologique des défunts.


En effet, le décès est de plus en plus souvent constaté par un médecin de garde n’ayant aucune information sur l’état sérologique du patient, notamment si la cause du décès est sans lien avec cette pathologie.


Par ailleurs, et même si l’on peut considérer que dans ces cas la charge virale est moindre, il existe de nombreux porteurs n’ayant eux-mêmes aucune connaissance de leur séropositivité.

 

L’interdiction des soins sur le corps de personnes atteintes de ces infections transmissibles, outre l’aspect discriminant qu’elle représente, entraine une « fausse impression de sécurité » pour les thanatopracteurs lorsque ceux-ci sont autorisés. Cela a pour corollaire d’entraîner potentiellement une baisse de vigilance et une moins bonne application des règles d’hygiène et de sécurité augmentant de fait le risque de contamination.

Si l’intégration des soins de conservation dans la réforme en cours du certificat de décès permet une information des thanatopracteurs respectant le secret médical, elle ne modifie en rien la fiabilité du certificat de décès qui ne peut être établi qu’en fonction des informations portées à la connaissance du médecin qui le rédige.

Au total, l’absence de fiabilité du certificat de décès en termes de statut sérologique et le risque relatif induit par une « fausse impression de sécurité » lorsque le soin est permis justifient la levée de cette interdiction.

Formation

La formation théorique initiale semble suffisante et adaptée. L’expérience montre qu’il pourrait s’avérer judicieux d’insister un peu plus sur les aspects économiques, les règles d’hygiène et de sécurité, la gestion des risques,  les fonctions vitales ainsi que la morale, l’éthique et le secret professionnel.

La formation pratique reste actuellement plus problématique en raison de la difficulté pour les stagiaires de trouver leurs terrains de stages. En effet, de nombreux thanatopracteurs restent frileux à accueillir des stagiaires potentiellement concurrents à l’issue de la formation. Le code de déontologie proposé plus loin, et en particulier son article 29, permet de répondre en partie à ces difficultés.

La formation continue semble indispensable, tout particulièrement dans les domaines de l’hygiène, de la sécurité et de la réglementation. Sa mise en place se heurte cependant à des difficultés certaines en raison du temps à y consacrer et du coût induit. Une des missions du Conseil National de l’Ordre des Thanatopracteurs pourrait être la diffusion, à l’ensemble des thanatopracteurs, d’informations dans ces différents domaines.

Indépendance et inaliénation du thanatopracteur

Si les opérateurs funéraires participent aux opérations légales et obligatoires dans le cadre du service extérieur des pompes funèbres (transports de corps, fourniture d’urnes et de cercueils, inhumation, crémation…), le thanatopracteur œuvre directement sur les corps des défunts, à l’instar des professions de santé dans le cadre des prélèvements d’organes ainsi que des autopsies, qu’elles soient médicale ou médicolégales.

De ce fait, le thanatopracteur, même si sa mission reste différente, semble bien plus proche des professionnels de santé que des opérateurs funéraires. Il partage, avec les professionnels de santé, des valeurs et des devoirs envers la personne humaine qu’il convient de maintenir, voire de renforcer.

Afin de permettre au thanatopracteur de pouvoir exercer son activité en toute indépendance dans le prolongement de la prise en charge du malade devenu défunt, afin que les règles éthiques et morales envers le défunt soient dans la continuité des celles appliquées aux malades et afin que des soins effectués sur un malade devenu défunt ne puisse pas faire l’objet de spéculation au détriment de la qualité de la prise en charge, il conviendrait :

-       d’extraire la thanatopraxie du service extérieur des pompes funèbres,

-       d’inclure la thanatopraxie dans la liste des professions de santé et d’en modifier le code APE,

-       de n’autoriser que 2 modes financiers d’exercice de la profession : soit en tant qu’indépendant avec facturation directe au bénéficiaire (personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles), soit en tant que salarié.

Encadrement, défense et contrôle de la profession

Déjà en 1929, le Professeur Victor Balthazar disait que seule une profession obligatoirement organisée pouvait être la fidèle gardienne de sa moralité.

La crise que traverse actuellement la profession et qui la mine au plus profond de son éthique entraîne certains, parfois peut-être contre leur gré, à des pratiques non acceptables pour les défunts, pour les familles, mais aussi souvent pour eux-mêmes.

Si une grande majorité de thanatopracteurs reste attachée à des valeurs morales et éthiques, les conditions d’exercice « sans cadre » rendent difficile l’expression de cet attachement dans l’exercice quotidien de la profession.

L’amélioration de l’image de la profession est indissociable du renforcement de la déontologie et de l’éthique.

La création d’un Conseil National de l’Ordre des Thanatopracteurs s’impose.

Il se verrait chargé du maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la profession au travers du respect des règles dictées par le Code de Déontologique des Thanatopracteurs.

Il aurait en outre une mission fédératrice de l’ensemble des thanatopracteurs, quelque soit leur mode d’exercice, ainsi qu’un rôle d’information dans différents domaines tels l’hygiène, la sécurité et la réglementation.

Ce conseil serait constitué de membres élus par l’ensemble des thanatopracteurs, quelque soit leur mode d’exercice.